Couples, familles, institutions, société :
Des lieux d'enfermement, des espaces de liberté

L’idéologie dominante des dernières décennies repose sur une logique liquidienne, une logique des flux, que ceux-ci soient financiers, marchands, informatifs, humains, sur un registre quantitatif où les personnes et leur dignité n’ont, pour de vrai, aucun intérêt.

Certes, certains profitent de cette logique des flux, avec le droit de naviguer, de surfer sur ces flux, de voyager comme bon leur semble à travers les frontières; d’autres au contraire sont assignés à résidence là où ils sont ou là où ils vont, et le passage des frontières devient pour eux un délit, une interdiction. Mais pour tous, qu’ils le sachent ou pas, le risque d’un exil hors de soi, d’un flottement identitaire dans des non-lieux de non rencontre. L’hyper individualisme (qui est une phobie sociale validée par la « culture »), une liberté limitée à la consommation dans un contexte paranoïaque, et la perte du grand temps, voilà la prison au minimum comme auto-enfermement et auto-exclusion, sans autre verdict qu’un réflexe de survie qui condamne les personnes à devenir personne.

Il s'agit de retrouver un droit à l'exil (Alexis Nouss) qui appelle à l'éthique pour tous, et qui permette le voyage dans le sens le plus noble de ce terme.

Qu’est-ce que vivre l’enfermement carcéral ? Il est sans doute plus sensé, pour commencer de répondre à cette question, d’aborder celui-ci à travers le prisme d’un phénomène privilégié. C’est le temps qui nous occupera. Cette grande coordonnée de l’existence présente un intérêt psychologique considérable bien qu’il soit plus souvent implicite que directement questionné. Nous verrons qu’en prison il existe au moins deux temporalités (celle de l’enfermement et, en parallèle, celle de l’extérieur) et que ces phénomènes sont vécus de façons inédites. Nous en arriverons à poser la question cruciale qui consiste à savoir s’il convient de s’adapter au temps carcéral ou si, au contraire, l’enjeu d’une future réinsertion est précisément de parvenir à ne pas s’adapter. Enfin, nous verrons, grâce à M. Foucault et J-P. Sartre, qu’il s’agit peut-être là du programme de ce que l’on appelle la liberté… Qu'elle s’exprime d’un côté ou de l’autre des barreaux.

La plupart des écoles systémiques ont déplacé leur intérêt de la prise en charge des symptômes aux traitements des troubles de personnalité sous-jacents.
Parmi eux, le narcissisme représente un grand défi pour l’intervenant.
Comment libérer le patient d’une armure qui le rend souvent très lourd pour ses proches mais qu’il perçoit plutôt comme bénéfique pour lui-même ?

« Enfermer pour libérer ? C'est une blague ? »
Les jeunes que nous accueillons à l’hôpital ont le plus souvent une trajectoire de vie chaotique faite de passages à l'acte, de rejets multiples, de stigmatisations, mais aussi une trajectoire de vie marquée par l'impuissance du monde des adultes (parents, famille et professionnels) à leur apporter ce dont ils ont besoin pour se développer…
Face à ces échecs successifs, l'ultime tentative de la société pour apporter l'ancrage dont l’adolescent a besoin pour se développer est l'enfermement dans une structure pédopsychiatrique. Un pari pour le moins osé !
Comment tentons-nous d'utiliser ce temps, a priori aliénant, pour en faire un temps de soin, d'apaisement, de conscience de soi et des autres, de reconstruction de soi et d'un projet de vie, en tentant de mobiliser ce qui est mobilisable chez le jeune, chez les parents, dans les familles ?

Lorsqu’un enfant est victime d’abus sexuel au sein de sa famille c’est de son corps mais aussi de sa parole qu’il se trouve dépossédé. Dès lors, la tentation est grande de penser qu’un des premiers objectifs à poursuivre dans nos accompagnements thérapeutiques est la révélation de ce que l’enfant a eu à subir et la reconnaissance par les adultes de leur responsabilité dans ce drame imposé à l’enfant.
Néanmoins, aux yeux même de l’enfant victimisé, le silence et le secret l’enferment autant qu’ils le protègent : de ce que l’on pensera de lui autant que de son parent abuseur et, plus largement, des « siens ».
Les zones frappées de silence, loin de se taire, disent quelque chose d’essentiel en ce qu’elles révèlent, comme le négatif d’une photo, les contours d’une souffrance encore active.

Comment dès lors penser nos interventions bien au-delà de la révélation des faits et la libération de la parole de l’enfant pour nous préoccuper prioritairement des enjeux identitaires et relationnels toujours en jeu lorsqu’il s’agit de continuer à vivre, et souvent à vivre ensemble, au-delà du caractère inacceptable des faits ?

La rencontre amoureuse est parfois le début d’une lente descente dans l’enfer de l’emprise. Les enfants qui grandissent dans ces couples sont exposés à la violence de l’auteur et doivent faire face au fait que le parent victime ne se comporte pas de la même manière en présence et en l'absence de son conjoint. Nous présenterons les sept niveaux d’impact de la relation d’emprise sur les mineurs. L’enfant passif ou actif face à ces violences n’est protégé qu’au moment où il devient une victime directe de violences physiques sévères. Nous aborderons la question de comment intervenir au sein de ces familles où, dans un premier temps, il s’agit de différencier une relation d’emprise d’un conflit de couple. Nous décrirons ensuite les spécificités de ces prises en charge (victime, auteur et leurs enfants), dont l’un des risques est que l’intervention thérapeutique augmente la mise en danger des victimes directes et indirectes.

Les jeux vidéo peuvent faire l’objet d’un investissement excessif. Les cliniciens et les équipes éducatives sont régulièrement confrontés à des adolescents « captifs » de ces territoires numériques. Mais à partir de quand faut-il s’inquiéter ? Il n’est pas rare que des parents consultent au départ de cette simple question. Mon enfant est-il « addict » ou simplement « adolescent », avec tout ce que cela peut comporter comme excès ? Situés au croisement de difficultés éducatives et psychopathologiques, les excès liés aux jeux vidéo sont devenus une porte d’entrée à la consultation. À travers quelques exemples concrets, nous essayerons de comprendre les processus en jeu. Nous constaterons l’hétérogénéité des problématiques sous-jacentes et les ressorts communs à ces situations. Les jeux vidéo peuvent devenir extrêmement chronophages, mais ils répondent aussi à des besoins importants pour le joueur. Il faudra en tenir compte au moment de proposer un soutien aux parents et les adolescents concernés…

La clinique de la radicalisation violente et du terrorisme est un nouveau champ d’intervention qui, dans le contexte d’attentats terroristes que nous avons connus, a été dominé par des logiques sécuritaires. L’urgence aujourd’hui est de développer des modalités d’interventions dans le domaine de la radicalisation violente en vue de prévenir, et de soutenir le désengagement de ces sujets le plus souvent de jeune âge.
C’est à partir de nos recherches et des pratiques dans le cadre d’évaluations et de suivis psycho-sociaux de mineurs et jeunes adultes judiciarisés pour des faits de participation aux activités d’un groupe terroriste, que nous allons présenter les processus et les dynamiques à l’œuvre dans les processus de radicalisation de ces jeunes. Il s’agit de mieux comprendre ces trajectoires de ruptures, d’enfermement et de promesses pour développer un cadre et des repères pour l’intervention où l’alliance thérapeutique et éducative est un préalable au désengagement et à de nouveaux engagements.

L'accommodation parentale à l'enfant anxieux est le prédicteur principal de la gravité des symptômes de celui-ci. Le parent se sent obligé de courir à la rescousse de son enfant anxieux. S'il ne le fait pas spontanément, ce sont alors les crises de nerfs de l'enfant qui l’obligent à le faire. Plus le parent offre à l'enfant des services pour éviter qu'il ne souffre, plus l'enfant devient anxieux. Plus l’enfant souffre, plus le parent se sent obligé de lui offrir des services qui le maintiennent dans sa situation dysfonctionnelle. Par ailleurs, si l'autre parent adopte une position contraire au parent accommodant, à savoir une position exigeante-impatiente (« il faut jeter l'enfant à l'eau pour qu'il apprenne à nager »), cela renforce encore plus le sentiment du parent accommodant qu'il doit absolument protéger son enfant. De cette façon, toute la famille se sent piégée d'une façon inéluctable.
Durant son intervention, Haïm Omer expliquera comment un travail avec les parents selon les principes de la résistance non-violente va les soutenir pour qu’ils puissent résister à la pression de l'anxiété de l'enfant, sans lui céder ni l’attaquer. Ce travail entrainera une réelle diminution du sentiment d'impuissance et de désespoir des parents, et améliorera sensiblement les rapports entre enfant et parents ainsi que l’ambiance familiale générale.

Guillaume et Vincent sont fraichement diplômés d’une école de journalisme à Bruxelles. Dans le cadre de leur mémoire, ils se sont intéressés à différentes alternatives à l’enfermement psychiatrique. A travers un reportage visuel et sonore, ils nous feront part de ce qu’ils ont découvert.

Quand une personne entreprend une démarche de consultation, elle est souvent emprisonnée par l’histoire d’un Problème très tenace, qui apporte avec lui désillusions et souffrances. Plus ce Problème est identifié « à l’intérieur » de la personne, intrinsèquement lié à elle, plus le sentiment d’impuissance est grand. Les idées narratives (White et Epston) invitent à penser le Problème comme extérieur à la personne et questionnent les discours sociaux qui soutiennent cette vision. Comment co-construire avec celles et ceux que nous accompagnons des récits qui libèrent, des récits qui honorent leurs préférences, leurs valeurs, ce qui leur est cher, des récits de résistance face à l’oppression du Problème, des récits d’Espoir et de Poésie, des récits qui promeuvent l’initiative personnelle et la mise en relation ?

Nous croyons obéir à des supérieurs, mais au fond, chacun.e d’entre nous obéit à des logiciels, alimente les « bonnes statistiques » qui tracent son activité ou celle de son service et ainsi augmente la puissance des algorithmes qui nous dirigent. La mise en évidence de cette contrainte silencieuse et efficace des pratiques permet souvent de dégager de leurs troubles psychiatriques liés au travail les personnes emmurées dans une pratique qui ne leur ressemble pas, disent-elles. Assujetties à leur application à satisfaire un logiciel, elles ont perdu pied. Ces logiques technologiques qui contraignent notre force de travail portent souvent un nom céleste, en analyser les causes et les effets concrets, permet de se (re)concentrer sur sa tâche dans toutes ses dimensions. Même quand on n’en est pas tombé malade, il est libératoire de prendre conscience des milliers de fils tressés du carcan qui biaise et entrave notre rapport au réel.

Dans cette conférence, nous examinerons comment la méditation nous permet de discerner les différentes formes d’emprisonnements (social, personnel, économique) que nous subissons sans être toujours conscients.
Comment elle nous permet de nous y confronter sans qu’elles nous terrassent ?
Comment la méditation peut devenir une amie bienveillante et non une autre injonction, une autre technique à maîtriser.