La demande d’asile n’est pas seulement une demande de droit de sol, de droit à un pays, elle est bien plus que cela ; il s’agit d’une demande à réintégrer le monde des gens ordinaires, ceux qui n’ont pas vu leur humanité menacée par la violence indicible, impensable. Demander l’asile est aussi la recherche d’une reconnaissance des souffrances et des traumatismes vécus dans le pays d’origine; une étape importante de la reconstruction. 

Loin d’être une démarche facile, la procédure de demande d’asile met à mal ; passage obligé qui peut conduire au graal, à savoir, le statut de réfugié. Néanmoins, que la réponse à cette demande adressée à l’État soit positive ou négative, les effets sur les personnes sont très surprenants. Un après doit se penser, se construire, quel que soit le résultat de la démarche. Sortir de la parenthèse et revenir dans la vie, reprendre sa vie, sont toujours des défis à relever.

Clinicienne engagée dans l’accompagnement de personnes séropositives et malades du sida pendant une vingtaine d’années à partir des années 1985, une question philosophique a marqué la vie et les orientations des travaux de Catherine Tourette-Turgis : à quoi cela sert-il de survivre à sa mort annoncée si rien n’est prévu au niveau social pour se réinsérer ? Au début de l’épidémie, les malades du sida posaient la question « ma mort, à quoi et à qui elle va servir ? ». Dix ans plus tard, après l’arrivée des traitements, la question était devenue : « Le fait que je survive, à quoi et à qui cela peut servir ? ».

Aujourd’hui, confrontée à l’expérience des malades du cancer, ce sont les mêmes questions qui émergent avec une ampleur épidémiologique encore plus importante puisque, sur le seul territoire français, on compte quatre millions de survivant·e·s au cancer.

L’avancée des thérapeutiques permet des rémissions, des guérisons, des stabilisations symptomatiques dans plusieurs maladies et pathologies dont le cancer. Se rétablir nécessite davantage : la création de politiques publiques de « l’aller mieux » et la reconnaissance du droit à se rétablir par les instances de démocratie sanitaire. Ce concept nécessite de renoncer à une vision binariste du vivant pour pouvoir déployer une clinique du rétablissement capable d’en saisir toutes les dimensions et de prévenir les effets d’un discours social de mise en concurrence des survivants et de prescription d’une « positivité toxique ».

Cette question, les enfants et adolescents victimes d’agressions sexuelles se la posent régulièrement. Deux réponses reviennent invariablement :

• Ça, je sais que je ne ferai jamais !
• J’ai peur d’avoir toujours envie de le faire !

Ces réponses font écho à une autre interrogation :

• Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait pour qu’il/elle me le fasse ?

Devenues adultes, certaines victimes choisiront de ne pas avoir d’enfant, espérant ainsi réduire à néant le risque de le faire à leur tour. D’autres au contraire espèreront trouver dans le couple une sécurité intérieure suffisante pour devenir des parents suffisamment bons. Cependant, les étapes du cycle de vie de l’enfant, en particulier de sa naissance à l’âge que le parent avait lui-même lorsqu’il a été agressé, vont réveiller la mémoire traumatique de ce dernier, risquant ainsi de fragiliser le couple et par conséquent cette sécurité intérieure qui devait l’aider à tenir la promesse implicite qu’il s’était faite : protéger ses enfants du mal auquel il n’avait pu se soustraire.

Ce sont ces situations qui seront évoquées avec le support d’exemples cliniques.

Cette phrase terrible est prononcée par Vedrana Bozinovic, une habitante de Sarajevo. Pendant la guerre (1992-1995), Vedrana était reporter de guerre dans sa propre ville assiégée. Elle réalisait des feuilletons radiophoniques pour distraire les habitants assiégés, affamés, grelottants, avides de culture. Elle a vécu cette incroyable solidarité, ce vivre-ensemble tellement intense provoqué par une situation de guerre, à côté de la peur et de l’horreur. Cette situation s’est produite également au début de la révolution syrienne, et au début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La population, unie comme un seul corps, une seule âme, réunie par la résistance au Mal. Après la guerre, on assiste à un effondrement psychologique. Les dépressions apparaissent, les cancers aussi, comme si le corps et le mental lâchaient ; La solidarité a disparu, c’est chacun pour soi, de nouveau. Comme si la guerre galvanisait, avant de dévorer physiquement et psychologiquement ceux qui croyaient sincèrement en une forme de résistance, via l’art, le soin, ou les armes. 

« L’amour de mon grand-père pour la Suisse, où nous passions nos vacances, m'a toujours agacée. À ses yeux, c'était le pays le plus formidable au monde.

Comme si le fait que la Suisse se soit tenue à l'écart de la Seconde Guerre mondiale lui permettait d'échapper à son histoire tragique de juif polonais. Nous, ce n'était pas une chape de plomb qui recouvrait notre passé mais un épais manteau blanc de neige immaculée : jamais mon grand-père ne parlait de ce qu'il avait vécu, jamais il n'aurait toléré que ma grand-mère le fasse.

Pour comprendre leur histoire, il m'a fallu aller à la rencontre d'autres juifs survivants, rescapés de l'enfer des camps d'extermination. À eux, j'ai osé poser les questions qui m'ont été si longtemps interdites : comment renouer avec le fil d'une existence interrompue dans une telle violence ? Comment se reconstruire quand tant des vôtres ont disparu ? Comment croire en l'avenir, à l'amour, en la descendance ? Comment vivre après ?

C'est en les regardant, en écoutant leur récit, en riant avec eux, même du pire, que j'ai enfin compris ce qui plaisait tant à mon grand-père en Suisse. »

Pour tous les survivants juifs des camps d’extermination, l’arrivée en France en 1945 fut une épreuve toute particulière, dont on sous-estime encore aujourd’hui la portée. Comment renouer avec le fil d’une vie interrompue dans une telle violence ? Comment se reconstruire alors que toute ou la plus grande partie de sa famille a été tuée ? Dans ce film, des survivants racontent ce que fut leur vie après les camps. Ils le font à la première personne, accompagnés d’archives personnelles extraites des albums de famille qui égrènent 65 ans d’une vie reconstruite après le génocide.

Avec les récits, entre autres, de Simone Veil, Marceline Loridan-Ivens, Ginette Kolinka, Dora Golan-Blaufoux, Ady Fuchs ou encore Charles Baron.

Un documentaire écrit et réalisé par Virginie LINHART (2010). Production : Cinétévé. 75 min.

Docteure en sciences politique, Virginie LINHART a une longue carrière de documentariste et essayiste.

Fille d’un couple de militants d’extrême gauche actifs en 68, son enfance se déroule à l’ombre de l’engagement politique total de ses parents. Un militantisme qui, après la désillusion révolutionnaire, explore les possibles des années 70 : liberté sexuelle, émancipation féminine, drogues. Quarante ans plus tard, cherchant à rendre compte du monde dans lequel elle a grandi, sondant le passé pour éclairer le présent, elle réalise le documentaire « 68, mes parents et moi » et écrit « Le jour où mon père s’est tu » (Seuil, 2008). Elle donne pour la première fois à entendre les témoignages de ces quarantenaires des années 2000, qui étaient les enfants de ceux qui ont fait 68, et qui ont gardé le souvenir des années révolutionnaires de leurs parents.

De la Shoah dont sa famille paternelle a été victime, elle se souvient aussi qu’on n’en disait mot dans son enfance. En 2010, elle va à la rencontre de survivants et leur demande de raconter, pour la première fois, ce que fut leur vie après les camps.  De ces paroles précieuses, recueillies avec soin, elle fera un film « Après les camps, la vie » ainsi qu’un livre « La vie après » (Seuil, 2012).

Son œuvre, mêlant le politique et l’intime, le collectif et l’individuel, est toute entière traversée par la question de l’héritage du traumatisme.  Récemment, elle a publié « L’effet maternel » (Flammarion, 2020) puis « Une sale affaire » (Flammarion, 2024), des récits dans lesquels elle continue d’interroger les questions du silence, de la transmission, de l’histoire, pour la première fois à la première personne.

Au fil de son œuvre, Virginie Linhart s’attache à transformer le silence reçu en héritage en un récit qui autorise les générations futures à ne plus se taire : « je crois que c’est l’absence de récit qui tue la famille, bien plus efficacement que le silence et les secrets. »

L’annonce d’un diagnostic de cancer chez l’enfant est un événement traumatisant qui laisse bien souvent les familles perdues, en colère et désespérées. Le cancer engendre un bouleversement familial. Il a un impact non seulement sur l’enfant (anxiété et humeur dépressive) mais perturbe également les relations au sein de la famille et du couple : problèmes de communication, troubles du comportement et conflits. Son effet s’étend bien au-delà de l’arrêt du traitement, quelle que soit l’issue : deuil ou rémission. « L’après » est toujours difficile à construire et parfois même inimaginable.

Face à cette immense souffrance, un espace de soutien spécifique aux familles (enfant malade, parents, fratrie et grands parents) a été imaginé dans l’unité d’oncologie pédiatrique de l’hôpital pour Enfants de Genève (HUG, Suisse). Notre équipe, composée de deux pédopsychiatres-thérapeutes de famille, propose un accompagnement basé sur les principes de la thérapie systémique et adapté au contexte de psychiatrie de liaison, jusqu’à la guérison de l’enfant mais également dans l’après-coup, que ce soit pour soutenir la famille dans son retour au quotidien ou pour l’aider à traverser les étapes du deuil.  Nous partagerons dans cette présentation notre expérience de 5 ans.

Après une enfance vécue (en tout - en partie – pas du tout) en commun, au moment de construire une vie adulte, de se choisir des amis, de faire couple et d’avoir éventuellement des enfants, quel rôle joue la fratrie ? Quelle place ce lien prend-il dans nos vies, de façon consciente et délibérée, mais aussi dans nos choix, sans que nous en ayons conscience ? Que reste-t-il de notre expérience fraternelle ? Quelles traces nous laisse(nt) ce(s) lien(s) que l’on réfléchit si peu ?

Il est interpellant de constater à quel point le lien fraternel, qui va déterminer toute une série d’expériences relationnelles à l’âge adulte, est encore si peu considéré, tant dans la clinique de l’enfant et de l’adolescent que dans la clinique adulte, de couple et même des thérapies familiales.

L’approche contextuelle d’Ivan Boszormenyi-Nagy, un des pionniers de la thérapie familiale, représente un formidable outil au service du lien fraternel, à travers l’identification de blessures, atteintes à la confiance, vécus d’injustice, mais aussi de contributions respectives plus ou moins reconnues, et propose un dialogue où chacun se sent entendu dans ses besoins. Que ce dialogue ait lieu dans l’enfance ou à l’âge adulte, il a toujours pour objectif de réduire les souffrances actuelles, tout en prenant en considération l’impact potentiel sur la ou les future(s) génération(s). A partir d’illustrations, nous verrons comment la mise en place d’un dialogue direct entre les membres d’une fratrie (et non à travers le prisme parental) se révèle porteur pour les partenaires du dialogue, mais aussi pour leurs proches.  

C’est l’histoire d’un écrivain/journaliste qui veut raconter une histoire d’amour dans un centre thérapeutique pour adolescents. Il y passe trois mois pour rencontrer les soignants et les jeunes. Au fur et à mesure des rencontres, un Dragon (ou plutôt une Dragonne) va briser ses croyances. Elle va faire de lui un porte-parole. Un porte-voix. Car elle ne comprend pas pourquoi il faut entrer dans le monde. Pourquoi on est obligé d’aller de l’avant. Pourquoi l’avenir est obligatoire. Elle veut mourir. Et elle veut qu’il porte la voix qu’elle n’aura plus. 

Et après ? 

Comment ressort-on de cet immersion ? De ce flux incessant de jeunes laminés par la jungle de notre société ? Comment les convainc-t-on, après une hospitalisation, de revenir dans le monde tel qu’il est ? Que faire avec la mort d’un jeune ? Comment penser l’accompagnement de l’équipe, de la famille et d’un psychiatre de l’adolescence qui resta sans voix face « à cet échec » ? Que faire ? Peut-être une part de l’étayage se tient dans ce livre, « Les Dragons », de cet écrivain journaliste. Qui a pour sa part, transformé l’échec en témoignage.

Les épreuves de la sortie des institutions font l’objet d’un intérêt croissant dans la littérature en sciences sociales. Dans ce même mouvement, les études sur la sortie de la protection de l’enfance se multiplient. Dans un contexte de démantèlement du dispositif d’accompagnement à l’âge adulte des jeunes sortant de la protection de l’enfance, cette communication s’intéresse aux recompositions des liens d’affiliation qui s’opèrent pour les jeunes confiés au temps du passage à l’âge adulte. De quels supports disposent-ils pour se définir ? Comment ces jeunes, pris dans des situations de déplacements contraints, parviennent-ils à unifier leurs expériences de vie ? En questionnant l’influence des politiques institutionnelles sur la construction de leurs récits, cette communication vise à comprendre comment les dispositifs de protection de l’enfance participent à encadrer, façonner ces parcours de sortie. Comment en retour ces récits de vie donnent-ils une lecture par le bas des dispositifs de protection ? Leurs récits et parcours sont intéressants à plus d’un titre pour comprendre les processus d’individuation et de subjectivation dans la seconde modernité, du fait des multiples transitions auxquelles ils sont confrontés, des assignations identitaires auxquelles ils sont exposés et des politiques d’encadrement dont ils font l’objet. Confrontés à des contradictions dans les espaces de socialisation traversés, les jeunes confiés peuvent trouver dans le même temps dans ces incohérences la possibilité d’occuper d’autres places, de réaliser d’autres aspirations, de construire leur singularité. 

La séparation d'avec un partenaire violent est souvent un processus long, difficile et douloureux. Malheureusement, la fin de la relation ne signifie pas toujours la fin de la violence ; pour de nombreuses femmes, la violence - psychologique et économique, mais aussi physique et sexuelle - peut s'aggraver autour ou après la séparation, et peut également affecter les enfants du couple.

Si la société et ses instances - services et professionnel-le-s de la santé et du social, forces de l'ordre, avocat-e-s et magistrat-e-s - ont commencé à reconnaître la violence conjugale, la violence post-séparation reste largement invisible : cette invisibilité est un obstacle majeur à la protection des femmes et des enfants.

En Europe, la Convention d'Istanbul fournit des indications précises sur les mesures à prendre pour prévenir la violence et protéger les victimes, mesures qui ont été intégrées dans les systèmes législatifs de nombreux pays. Cependant, les lois ne peuvent être efficaces que si le problème a été reconnu et nommé : la reconnaissance de la violence post-séparation et de son impact sur la vie des femmes et des enfants est donc une étape urgente et essentielle.

De quoi il s'agit ? ; La rencontre se fera autour de la trajectoire de vie et d'engagement d'un homme. Né Basque, Gabi Mouesca a eu une jeunesse marquée du sceau de l'engagement politico-militaire. La violence, la mort, l'ont accompagné. La prison a été son univers 17 ans durant. Une expérience de vie qui l'a renforcé dans ses convictions personnelles. Puis, libéré, Gabi n'a eu de cesse que d'agir et de s'engager dans des structures œuvrant en milieu carcéral ou péri-carcéral.

Aujourd'hui, avec sa femme et ses deux enfants, il vit au cœur de la Ferme Emmaüs Baudonne, un site expérimental où les salariées sont des femmes détenues. L’expérience de la sanction utile, se posant comme alternative à la prison.